Des droits et des devoirs pour tous
Encore un truc qu'on ne peut pas inventer si on ne le connaît pas. Les droits voisins (du droit d'auteur) sont des droits moraux et patrimoniaux qui protègent la prestation des artistes-interprètes et ouvrent à rémunération. On ne fait pas n'importe quoi avec un artiste-interprète, tout autant que ce dernier ne fait pas n'importe quoi avec le droit d'auteur.
Le premier article des droits voisins est celui-ci :
Article L211-1. Créé par Loi 92-597 1992-07-01 annexe JORF 3 juillet 1992
"Les droits voisins ne portent pas atteinte aux droits des auteurs. En conséquence, aucune disposition du présent titre ne doit être interprétée de manière à limiter l'exercice du droit d'auteur par ses titulaires."
D'emblée, il est clair sans ambiguïté aucune, que les droits voisins ne doivent en aucun cas être opposés aux droits des auteurs.
1. Artiste-interprète :
Si un artiste-interprète souhaite utiliser et reproduire une photographie sur quelque support que ce soit, il doit en premier lieu et comme tout le monde, obtenir l'autorisation de l'auteur et s'acquitter, comme tout le monde, du droit d'auteur du photographe, sinon il est en situation illégale, c'est de la contrefaçon. Qu'il soit le sujet de la photo ne lui confère aucun droit de propriété. Le crédit photo est une mention légale obligatoire pour chaque publication, pas l'objet d'un troc (publicité hypothétique contre gratuité des photos).
Jugement du TGI de Paris (2011) :
Le sujet d’une photographie, fût-il un artiste interprète disposant de droits voisins, n’est pas pour autant investi des droits d’auteur sur les photographies, et l’utilisation de celles-ci sans l’accord de l’auteur est constitutive de contrefaçon ! Et à sa suite, s’il transmet ces photos à un tiers, ce tiers s’expose également à des sanctions en cas d’utilisation non autorisée.
- Joëlle Verbrugge, avocate : lien
2. Photographe :
En dehors des limites à l'exercice des droits voisins (cf ; ci-dessous), et si un photographe désire exploiter commercialement l'image d'un artiste-interprète, il doit comme tout le monde, obtenir l'autorisation écrite préalable et rémunérer l'artiste-interprète, sinon il est en situation illégale.
[...] mais aussi longtemps que le photographe reste dans les limites de l’expression artistique ou du droit à l’information, il semble que rien ne puisse s’opposer à ce qu’il utilise et diffuse les photos dont il est l’auteur.
- Joëlle Verbrugge, avocate : lien
Texte officiel : lien
Le fonctionnement
Lors d'une prestation scénique, un artiste-interprète, titulaire de droits voisins, fixe en théorie son cachet en fonction des paramètres suivants : - La fixation de sa prestation ; - La reproduction de sa prestation sur différents supports ; - La communication au public de sa prestation par différents moyens ; - L’utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l’image.
L'artiste-interprète est rémunéré par le producteur, il n'a absolument aucune légitimité à revendiquer la gratuité des photographies, bien que certains ne se privent pas de le faire dans le release form. Si des scènes sont boycottées par les photographes, en voici la raison.
Les limites à l'exercice des droits voisins
Nous avons déjà vu que les droits voisins n'infirment pas le droit d'auteur. Voici les cas pour lesquels les droits voisins n'ouvrent pas à rémunération et pour lesquels les titulaires ne peuvent pas interdire :
1. les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans le cercle familial ;
2. les reproductions strictement réservées à l'usage privé de la personne qui les réalise et non destinées à une utilisation collective ;
3. sous réserve d'éléments suffisants d'identification de la source.
Mais encore :
- les analyses et courtes citations ;
- les revues de presse ;
- la diffusion à titre d'information d'actualité ;
- la communication au public et la reproduction d'extraits à des fins pédagogiques, d'illustrations dans le cadre de l'enseignement ;
- la caricature humoristique, et actes nécessaires aux bases de données sous certaines conditions.
Texte officiel : lien
Thomas Loncle Avocat : lien
Conclusion
Les photographes accrédités dans le cadre des limites à l'exercice des droits voisins n'ont pas à rémunérer l'artiste-interprète. L'artiste-interprète est soumis comme tout le monde au respect du droit d'auteur des photographes, il ne peut pas troquer ses droits voisins (d'autant moins lorsqu'ils ne s'appliquent pas) contre les droits d'auteur. Les photographes professionnels ne sont pas des sangsues qui vivent aux dépens de la gloire de l'artiste-interprète, mais des partenaires ; ils communiquent l'actualité de l'artiste et lui permettent d'avoir une existence sur les supports, une présence visuelle.
photo d'illustration ©Jason Morrison
Comments